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Rotavirusprint

Invagination intestinale

publié le lundi 14 avril 2014

Les bénéfices en termes de santé publique de la vaccination des bébés sont très importants et, certainement dans les pays développés, dépassent de loin le faible risque d’invagination.

Une association entre l’invagination intestinale et la vaccination contre le rotavirus a été évoquée pour la première fois en 1999 avec le Rotashield®(1). Il s’agissait d’un vaccin oral vivant réassortant rhesus-humain introduit dans le schéma de vaccination de routine des nourrissons nord-américains en 1998 (mais qui n’a jamais été utilisé en Europe).
Une étude nationale cas-témoins réalisée aux Etats-Unis a confirmé cette association, avec un risque maximum survenant dans les 3 à 7 jours suivant la première dose de vaccin Rotashield®(2). L’excès de risque, estimé alors à une invagination sur 10.000 doses de vaccins, a conduit au retrait du Rotashield® du marché américain en 1999 (3).
Dès lors, les essais cliniques concernant les deux autres vaccins oraux vivants contre le rotavirus (le RotaTeq® et le Rotarix®) ont étudié un nombre très important de nourrissons (entre 60.000 et 70.000 enfants par essai) afin d’évaluer le risque potentiel d’invagination lié à ces nouveaux vaccins (4,5). Aucune augmentation du risque n’a été retrouvée dans les 30 à 42 jours suivant les deux doses de Rotarix® et les trois doses de RotaTeq® (4,5).
Sur base de ces résultats d’efficacité et de sécurité, l’OMS a recommandé l’utilisation globale des deux vaccins tout en encourageant la surveillance de l’incidence des invaginations après leur utilisation en routine (6).
Il est possible que les études cliniques pivots du RotaTeq® et du Rotarix® n’aient pas eu la puissance suffisante permettant de détecter des effets secondaires survenant à une fréquence inférieure à un sur 50.000 (4,5).

Etudes

Des études après mise sur le marché de ces deux vaccins ont été réalisées et permettent à présent d’évaluer les risques pouvant survenir à une très faible fréquence dans les pays à hauts et moyens revenus (7-10).

Une étude cas-témoins a été menée au Mexique et au Brésil et a mis en évidence un faible risque additionnel d’invagination après la première dose de Rotarix® au Mexique (environ 1 sur 51.000 enfants vaccinés) (7). Un risque encore plus faible a été retrouvé après la deuxième dose chez les enfants mexicains.

Au Brésil, un très faible risque (un sur 68.000 enfants vaccinés) a été retrouvé seulement après la deuxième dose de Rotarix® (7). Les raisons de cette différence ne sont pas claires, mais pourraient être liées au fait qu’au Brésil, mais pas au Mexique, la première dose de Rotarix® est administrée avec le vaccin polio oral qui diminue la réplication virale du vaccin contre le rotavirus (8).

Des données sont également disponibles pour les pays industrialisés. Carlin et coll (9) ont analysé les données d’invagination en provenance d’Australie. Il existe dans ce pays un enregistrement de qualité des cas d’invaginations et des statistiques robustes concernant les vaccins administrés. En Australie, les différents états ont utilisé durant la même période soit le Rotarix®, soit le RotaTeq® ce qui a permis de comparer le risque d’invagination suite à la vaccination dans des populations très similaires et durant la même période (9). Les résultats de l’étude montrent que les deux vaccins sont associés à un risque accru d’invagination dans les trois semaines après la première dose, ainsi que durant la première semaine postdose 2 (incidence relative d’invagination durant la semaine après la première dose de vaccin de 6,8 pour le Rotarix® et de 9,9 pour le RotaTeq®) avec un risque maximal durant la première semaine post-dose 1 comme au Mexique (7) et avec un risque également accru mais plus faible après la deuxième dose de chaque vaccin (9).

Deux premières études de surveillance après mise sur le marché aux Etats-Unis n’ont pas montré d’association entre la vaccination par RotaTeq® et le risque d’invaginations (10,11). Par contre, Yen et al (12) ont rapporté une faible augmentation de l’incidence des invaginations après l’introduction du RotaTeq® aux Etats-Unis.
Tout récemment, le risque d’invagination après vaccination contre le rotavirus a été évalué de manière minutieuse sur un très grand nombre d’enfants vaccinés aux Etats-Unis (13,14). Deux études indépendantes ont été réalisées après mise sur le marché : le programme Post-Licensure Rapid Immunization Safety Monitoring (PRISM) de la FDA qui était basé sur la surveillance des données hospitalières, des données d’urgences et ambulatoires de trois grands groupes d’assurances (13) et le programme Vaccine Safety Datalink (VSD) du CDC qui a suivi une cohorte d’enfants enrôlés dans 6 institutions de soins (14).
L’étude PRISM (Post-Licensure Rapid Immunization Safety Monitoring) a montré qu’il existait un risque excédentaire d’environ 1,5 cas d’invagination par 100.000 enfants vaccinés après la première dose de RotaTeq®, sur la base de 8 cas d’invagination diagnostiqués parmi environ 500.000 vaccinés dans les 21 jours suivant la vaccination (13). Aucun risque additionnel n’a été retrouvé pour les deuxièmes et troisièmes doses (13).
Par contre, l’étude VSD n’a pas montré d’augmentation de risque d’invagination après vaccination par le RotaTeq®, sur base de 4 cas d’invagination rapportés parmi 493.000 vaccinés dans les 7 jours après la première dose (14). Cependant, l’étude VSD a montré une augmentation significative du risque d’invagination dans les 7 jours suivant la première et la deuxième dose de Rotarix® (5,3 par 100.000 nourrissons vaccinés après l’administration de deux doses de Rotarix®), sur base de 6 cas documentés parmi environ 200.000 doses administrées (14).

Discussion

Les résultats de ces études épidémiologiques récentes sont difficilement comparables, car elles recourent à des méthodologies différentes.
Quelles conclusions peut-on tirer de ces études et quelles sont leurs implications en termes cliniques et de santé publique ?
Les données en provenance des Etats-Unis, d’Australie, du Mexique et du Brésil plaident toutes en faveur d’un risque minime mais réel d’invagination suite à la vaccination par RotaTeq® ou Rotarix® (15,16). Ce risque est cependant, très faible, de l’ordre de 1 à 5 par 100.000 nourrissons vaccinés. Etant donné ce faible risque et l’impact majeur que ces deux vaccins ont eu sur la réduction des hospitalisations, des visites aux Urgences et dans certaines circonstances, des décès associés aux infections à rotavirus, il demeure évident que les bénéfices de la vaccination contre le rotavirus dépassent de loin les risques liés aux invaginations (15,16).
Il a, par exemple, été calculé que dans la cohorte de 4,5 millions de nourrissons qui naissent chaque année aux Etats-Unis, la vaccination contre le rotavirus prévient 53.000 hospitalisations et 170.000 visites aux Urgences pour gastroentérite, au prix de 45 à 213 cas d’invaginations (17).
En Australie, on estime annuellement à 14 le nombre d’invagination en excès contre une diminution de plus de 6.500 hospitalisations pour gastroentérites depuis l’introduction des deux vaccins (9).

A ce jour, de nombreuses questions demeurent cependant sans réponses. Quel est le mécanisme physiopathologique induisant ces rares cas d’invaginations ?
Le risque d’ invagination est-il similaire pour les deux vaccins ?
Existe-t-il un groupe d’enfants à plus haut risque ?

Les bénéfices en termes de santé publique sont très importants et dépassent de loin le faible risque d’invagination, certainement dans les pays développés où surviennent la grande majorité des décès liés aux infections à rotavirus (16).

Prof. Philippe Lepage. Huderf.

Références :
1. Centers for Disease Control and Prevention. Intussusception among recipients of rotavirus vaccine—United States, 1998–1999. Morb Mortal Wkly Rep 1999 ; 48:577–81.
2. Murphy TV, Gargiullo PM, Massoudi MS, et al. Intussusception among infants given an oral rotavirus vaccine. N Engl J Med 2001 ; 344:564–72.
3. Centers for Disease Control and Prevention. Withdrawal of rotavirus vaccine
recommendation. Morb Mortal Wkly Rep 1999 ;48:1007.
4. Ruiz-Palacios GM, Perez-Schael I, Velazquez FR, et al. Safety and efficacy of an attenuated vaccine against severe rotavirus gastroenteritis. N Engl J Med 2006 ; 354:11–22.
5. Vesikari T, Matson DO, Dennehy P, et al. Safety and efficacy of a pentavalent human
bovine(WC3) reassortant rotavirus vaccine. N Engl J Med 2006 ; 354:23–33.
6. WHO. Meeting of the Strategic Advisory Group of Experts on Immunization, October 2009 - conclusions and recommendations. Wkly Epidemiol Rec 2009 ; 84:518.
7. Patel M, López-Collada V, Bulhões M, et al. Intussusception risk and health benefits of rotavirus vaccination in Mexico and Brazil. N Engl J Med 2011 ; 364:2283–92.
8. Greenberg HB. Rotavirus vaccination – Act two. N Engl J Med 2011 ;364:2354-5.
9. Carlin JB, Macartney K, Lee KJ, et al. Intussusception risk and disease prevention associated with rotavirus vaccines in Australia’s national immunisation program. Clin Infect Dis 2013 ; 57:1427–34.
10. Shui I, Baggs J, Patel M, et al. Risk of intussusception following administration of a pentavalent rotavirus vaccine in US infants. JAMA 2012 ; 307:598–604.
11. Zickafoose JS, Benneyworth BD, Riebschleger MP, Davis MM. Hospitalizations for intussusception before and after the reintroduction of rotavirus vaccine in the United States. Arch Pediatr Adolesc Med 2012 ;166:350–5.
12. Yen C, Tate JE, Steiner CA, Cortese MM, Patel MM, Parashar UD. Trends in intussusception hospitalizations among US infants before and after implementation of the rotavirus vaccination program, 2000-2009. J Infect Dis 2012 ; 206:41–8.
13. Yih WK, Lieu TA, Kulldorff M, et al. Intussusception risk after Rotavirus vaccination in U.S. infants. N Engl J Med 2014 ; 370:503-12.
14. Weintraub ES, Baggs J, Duffy J, et al. Risk of intussusception after monovalent Rotavirus vaccination. N Engl J Med 2014 ; 370:513-9.
15. Parashar UD, Orenstein WA. Intussusception and Rotavirus vaccination Balancing risk against benefits. Clin Infect Dis 2013 ; 57:1435-37.
16.Glass RI, Parashar UD. Rotavirus vaccines - Balancing intussusception risks and health benefits. N Engl J Med 2014 ; 370:568-70.
17. Cortese M. Estimates of benefits and potential risks of rotavirus vaccination in the U.S. Presented at the Advisory Committee on Immunization Practices Meeting, Atlanta, June 20, 2013 (http://www.cdc.gov/vaccines/acip/meetings/slides-jun-2013.html)
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