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Grippeprint

Vaccins inactivés : tri- ou quadrivalents ?

publié le mardi 8 septembre 2015

Dès cette saison 2015-2016, le médecin aura le choix entre les vaccins inactivés tri- ou quadrivalents.

Depuis bien des années, nous disposons en Belgique de vaccins trivalents inactivés contre la grippe.
Ces vaccins comportent des antigènes de deux virus de type A et d’un virus de type B. Ainsi, pour la saison 2014-2015, ces vaccins contenaient les souches

  • A/California/7/2009 (H1N1) (ou souche apparentée) ;
  • A/Texas/50/2012 (H3N2) (ou souche apparentée) ;
  • B/Massachusetts/2/2012 (ou souche apparentée).

Deux nouveaux vaccins ont fait leur apparition sur le marché en cet automne 2015. Ils contiennent les antigènes de deux virus du groupe B, outre ceux de deux virus du groupe A.

  • un vaccin quadrivalent inactivé injectable (adultes et enfants ≥ 3 ans) ;
  • un vaccin quadrivalent vivant atténué à administration nasale (enfants dès 2 ans et adolescents jusqu’à 17 ans inclus).
Les vaccins pour la saison 2015-2016 comportent les antigènes suivants :
  • A/California/7/2009 (H1N1) ou une souche apparentée ;
  • A/Switzerland/9715293/2013 (H3N2) ou une souche apparentée ;
  • B/Pukhet/3073/2013 ou une souche apparentée (appelée “Ligne B Yamagata”).
  • Pour les vaccins tétravalents : en plus, B/Brisbane/60/2008 ou une souche apparentée (appelée “Ligne B Victoria”).

Historique de la circulation des virus influenza de type B

Les virus influenza de type B sont présents exclusivement chez l’homme, à la différence des virus de type A qui contaminent aussi de nombreuses espèces animales, dont les porcs, les oiseaux les chevaux, les baleines...

L’analyse de l’hémagglutinine (HA) des virus influenza de type B suggère que dès 1983, deux lignées différentes de souches de type B ont circulé dans le monde : B Yagamata et B Victoria.
Les propriétés antigéniques des deux virus, en particulier, de leur protéine HA, sont tellement différentes qu’il y a peu de protection croisée. Cela signifie que l’exposition à l’hémagglutinine de B/Victoria, via infection ou vaccination, procure peu de protection contre l’infection par B/Yamagata (et vice versa). Globalement, la lignée Victoria a prédominé de 1987 à 1989, puis la lignée Yamagata durant les années ’90. Depuis la saison 2001-2002, les deux lignées circulent simultanément, à des niveaux différents, au cours d’une même saison. Tout comme pour les virus de souches A, de nouveaux variants de souches B apparaissent continuellement, par glissement antigénique (drift).

L’incidence des cas de grippe liés à l’une ou l’autre des souches B varie fortement d’une saison à l’autre. Aux Etats-Unis, selon les données des Centers for Diseases Control and Prevention, les souches B ont été responsables entre 2001 et 2011 (en excluant la saison pandémique 2009-2010) de ± 1% à 44% des identifications virales pour confirmation du diagnostic ; en moyenne, elles représentaient 24% de ces identifications.
En Europe, les données de surveillance donnent des résultats similaires, avec des variations allant de 1 à 60%, et une moyenne de 23%.
Des données finlandaises montrent qu’entre 1980 et 1999, les souches de type B ont été la cause prédominante d’infections dans 5 des 20 saisons [1].

Fiabilité des prévisions vaccinales

Chaque année, pour la composition du nouveau vaccin contre la grippe saisonnière, un pari est pris sur la lignée de souche B qui prédominera durant la saison à venir. Cette prévision a été correcte seulement pour 5 saisons sur 10 entre 2001-2002 et 2010-2011, aux Etats-Unis, avec globalement 46% des souches circulantes hors pari vaccinal (donc non présentes dans le vaccin).
En Europe, la lignée prédominante différait de celle présente dans le vaccin pour 4 saisons sur 8 entre 2003-2004 et 2010-2011, avec globalement 58% des souches circulantes hors pari vaccinal [2].

Une étude menée en Finlande a analysé les données nationales sur les grippes confirmées par tests virologiques dans tous les groupes d’âge, entre le 1er juillet 1999 et le 30 juin 2012. La saison de grippe pandémique 2009-2010 a été exclue.
Un total de 34.788 cas a été déclaré. Ce chiffre ne représente qu’une faible proportion de tous les cas de grippe dans le pays et s’explique par l’absence de confirmation virologique du diagnostic en routine. Les virus influenza de type A représentaient 74% des cas confirmés par virologie, pour 26% pour les virus influenza de type B.
Sur l’ensemble des 12 saisons étudiées, plus de 40% des infections liées à un virus de type B sont dues aux virus de la lignée non reprise dans le vaccin saisonnier. Globalement, les infections occasionnées par la lignée de souche B absente du vaccin représentent 10,8% du total des cas liés tant aux souches A que B [3].

La difficulté de prédire avec justesse la souche B dominante, combinée avec les variations annuelles d’incidence des deux lignées de virus de type B, peut amener à une vaccination pratiquement inopérante vis-à-vis des virus B : ainsi, durant la saison 2005-2006 aux Etats-Unis et en Europe, alors que le vaccin contenait les antigènes du virus B/Yamagata, 81 à 91% des souches B circulantes étaient de la lignée B/Victoria, dans un contexte de présence de souches B dans 34 à 60% des échantillons virologiques analysés.
Pour le vaccin trivalent inactivé, une analyse Cochrane basée sur une revue systématique de 38 études cliniques publiées entre 1966 et 2006, incluant plus de 66.000 adultes en bonne santé âgés de 16 à 65 ans, montre qu’au cours des années de circulation virale intense, l’efficacité vaccinale atteint ± 80% vis-à-vis des infections à virus influenza A et B, lorsque la concordance du vaccin aux souches circulantes est bonne. Par contre, l’efficacité vaccinale est fortement réduite en présence d’une discordance entre les souches circulantes et celles présentes dans le vaccin [4].

Impact des grippes à virus de type B

Les souches B causent une morbidité et une mortalité significatives. Aux Etats-Unis, on estime que le taux d’hospitalisation durant une saison dominée par la circulation de souches B atteint plus de 80 hospitalisations pour 100.000, ce qui n’est pas très éloigné du taux de 99/100.000 observé au cours de saisons à prédominance A/H3N2 et supérieur au taux de 55/100.000 observé au cours de saisons à prédominance A/H1N1 [5]. Pour les saisons de 1990-1991 à 1998-1999, le plus grand nombre de décès associé à la grippe était attribuable aux virus A/H3N2, suivi par les virus B, puis les A/H1N1 [6].
L’incidence et la sévérité des infections dues aux virus de type B semblent proportionnellement plus importantes chez les enfants et les jeunes adultes.

Efficacité comparée des vaccins tri- et quadrivalents

L’immunogénicité conférée par le vaccin inactivé quadrivalent (QIV) a été comparée à celle induite par des vaccins inactivés trivalents (TIV) -comportant des antigènes soit du virus B/Victoria, soit du virus B/Yamagata- dans deux études randomisées, l’une chez des enfants âgés de 3 à 17 ans (plus de 3.000 enfants inclus) et l’autre chez des adultes ≥ 18 ans (plus de 4.600 adultes ≥ 18 ans inclus). Par comparaison avec chacun des TIV, la réponse immunitaire au QIV n’était pas inférieure contre les souches de type A et contre la souche de type B commune aux vaccins, mais - pour des raisons évidentes - supérieure contre la souche de type B contenue dans le seul vaccin quadrivalent. Chez les enfants, le taux de séroconversion atteignait 91,4% contre le virus A/H1N1, 72,3% contre le virus A/H3N2, 70% contre le virus B/Victoria et 72,5% contre le virus B/Yamagata [7]. Chez les adultes, le taux de séroconversion atteignait 77,5% contre le virus A/H1N1, 71,5% contre le virus A/H3N2, 58,1% contre le virus B/Victoria et 61,7% contre le virus B/Yamagata [8] [9].
Le profil de tolérance et de réactogénicité des vaccins était similaire.
Une autre étude randomisée en double aveugle a comparé l’immunogénicité d’un vaccin QIV à un vaccin TIV (comportant une souche B/Yamagata) chez des enfants âgés de 6 à 35 mois (plus de 600 enfants inclus) et parvient à des conclusions similaires [10]. Cependant, la notice précise que le vaccin quadrivalent inactivé enregistré en Belgique ne peut être administré qu’à partir de l’âge de 3 ans (les vaccins trivalents inactivés pouvant être administrés, selon les notices, dès l’âge de 6 mois), mais des études complémentaires sont en cours pour ce vaccin, avec des enfants dès six mois.

Il n’y a pas d’étude portant sur l’efficacité clinique du vaccin quadrivalent inactivé.

Conclusions

Les vaccins contre la grippe quadrivalents comportent, outre des composants antigéniques des deux souches A en circulation (H1N1 et H3N2), des composants des deux lignées de souches B en circulation (Victoria et Yamagata). Partant de l’hypothèse d’un accroissement de la probabilité d’une protection efficace des personnes vaccinées, ces vaccins pourraient conduire à un renforcement de la confiance de la population vis-à-vis de la vaccination contre la grippe. Les vaccins quadrivalents représentent ainsi une alternative séduisante face aux vaccins trivalents.

Le Centre Belge d’Information Pharmacothérapeutique (CBIP) émet un avis mesuré. L’avantage potentiel d’un vaccin tétravalent dépendra de la nature et de la virulence des virus de la grippe qui circulent dans une saison donnée. Se basant sur l’épidémiologie des quatre dernières saisons grippales, avec une variation de 1 à 50% des échantillons testés positifs pour un virus du groupe B, le plus souvent de la lignée B/Yamagata présente dans les vaccins, le CBPI propose une attitude prudente : « Les vaccins tétravalents limitent le risque d’inadéquation entre la composante virale de l’influenza de type B présente dans le vaccin, et les virus de l’influenza de type B circulants. Ceci peut en théorie présenter des avantages, mais dans la situation belge, il existe peu d’arguments pour privilégier clairement un vaccin tétravalent, certainement chez l’adulte ». Le CBIP souligne par ailleurs, tenant compte que l’impact de la grippe liée aux souches B chez les enfants est plus élevé que chez les adultes, l’avantage potentiel d’un vaccin tétravalent chez les enfants devant être vaccinés en raison de leur appartenance à un groupe à risque accru de complications [11].

Pour la pratique
Les vaccins suivants seront disponibles pour la saison 2016-2016.
  • Vaccin inactivé quadrivalent (adultes et enfants ≥ 3 ans).
    • Alpharix Tetra® Prix public 12,6 € (si remboursé, ticket modérateur à charge du patient : 6,77 €) - IM
  • Vaccins inactivés trivalents (adultes et enfants ≥ 6 mois).
    • Influvac® Prix public 11,45 € (si remboursé, ticket modérateur à charge du patient : 5,82 €) - IM. 
    • Intanza® Prix public 12,27 € (si remboursé, ticket modérateur à charge du patient : 6,50 €) - intradermique
    • Vaxigrip® Prix public 11,94 € (si remboursé, ticket modérateur à charge du patient : 6,23 €) - IM.

La voie sous-cutanée peut être utilisée, plutôt que la voie intramusculaire, chez les patients présentant un risque de saignement.

Chez les enfants dès 8 ans, les adolescents et les adultes, une dose de 0,5 ml est donnée ; pour les enfants entre 3 et 8 ans n’ayant jamais été vaccinés auparavant et chez lesquels la vaccination est indiquée, deux injections à au moins un mois d’intervalle sont recommandées (la deuxième dose de préférence avant décembre). Pour les vaccins inactivés trivalents, chez les enfants de 6 mois à 3 ans, on administre une demi-dose par injection.

[1CS Ambrose, MJ Levin. The rationale for quadrivalent influenza vaccines. Hum Vaccin Immunother. 2012 Jan ;8(1):81-8. doi : 10.4161/hv.8.1.17623

[2T. Heikkinen, N. Ikonen, T. Ziegler.Impact of influenza lineage-level mismatch between trivalent seasonal influenza vaccines ans circulating viruses, 1999-2012. Clin Infect Dis. 2014 ; 59(11):1519-24. doi : 10.1093/cid/ciu664

[3Idem 2

[4V. Demicheli, C. Di Pietrantonj, T. Jefferson, et al. Vaccines for preventing influenza in healthy adults. Cochrane Database of Systematic Reviews 2007, Issue 2. Art. No. : CD001269. DOI : 10.1002/14651858. CD001269.pub3. http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/14651858.CD001269.pub3/abstract

[5W. Thomson, DK Shay, E. Weintraub et al. Influenza-associated hospitalizations in the United States. JAMA. 2004 Sep 15 ;292(11):1333-40.

[6W. Thomson, DK Shay, E. Weintraub et al. Mortality associated with influenza and respiratory syncytial virus in the United States. JAMA. 2003 Jan 8 ;289(2):179-86.

[7JB Domachowske, H. Pankow-Culot, M. Bautista et al. A randomized trial of candidate inactivated quadrivalent influenza vaccine versus trivalent influenza vaccines in children aged 3-17 years. J Infect Dis. 2013 ;207(12) : 1878-87. doi : 10.1093/infdis/ jit091.

[11Deux vaccins « tétravalents » contre la grippe sont annoncés pour la saison grippale 2015-2016 : un vaccin inactivé (injectable) (Alpharix Tetra®) et un vaccin vivant (par voie nasale) (Fluenz Tetra®). Rubrique « Bon à savoir ». Site du CBIP.
http://www.cbip.be/nieuws/index.cfm?welk=708&category=GOW


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