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Hépatite Aprint

Vaccination généralisée

publié le lundi 1er octobre 2007

Lorsque le vaccin contre l’hépatite A fut introduit au début des années 90, les recommandations des autorités de santé publique dans tous les pays furent de vacciner uniquement les individus appartenant à des groupes à haut risque. Cette approche est toujours préconisée par le Conseil Supérieur de la Santé en Belgique (voir “pour la pratique”). Tenant compte de l’épidémiologie de l’infection, cette politique était vouée à avoir un impact limité sur l’incidence de la maladie dans la population.

Au fil des années, le vaccin a confirmé sa sécurité et sa grande efficacité.
En outre, quelques régions et pays ont initié des programmes plus ambitieux de vaccination à l’échelle de leur population.

Le virus de l’hépatite A est un picornavirus qui, naturellement, se multiplie uniquement dans les hépatocytes humains. Il est excrété via les voies biliaires dans les selles, qui constituent le seul réservoir significatif sur le plan épidémiologique. Ce virus est très résistant à l’inactivation physico-chimique. Pour être détruit, il doit être soumis à une température de 85°c pendant au moins une minute. Il peut survivre plusieurs semaines dans l’environnement, même dans de mauvaises conditions : selles desséchées, eau de mer (où il est concentré dans les coquillages), etc.

Rappel épidémiologique

L’infection par le virus de l’hépatite A survient lorsqu’un individu non immunisé ingère de la nourriture ou de l’eau contaminées ou est en contact avec les selles d’une personne malade. Rarement, la maladie est transmise par voie iatrogène.
La transmission du virus est facilitée en présence de mauvaises conditions sanitaires et d’hygiène (absence de systèmes d’évacuation des eaux usées, d’accès à l’eau potable, etc). Dans de tels environnements à haute endémie, l’exposition au virus est inévitable et se produit dans la plupart des cas avant que les enfants atteignent l’âge de 5ans ; l’infection est alors généralement asymptomatique et une immunité à vie est acquise vis-à-vis de la maladie et des réinfections. Le taux de personnes immunisées s’accroît progressivement avec l’âge.

Dans les communautés et les pays bénéficiant de très bonnes infrastructures sanitaires et conditions d’hygiène, l’endémicité est basse à très basse. La transmission au sein de la population est liée principalement au contact direct ou indirect avec une personne infectée, plutôt qu’à une consommation d’eau ou d’aliments contaminés. Un voyage professionnel ou de loisirs vers une zone à haute endémie constitue une autre voie possible de contamination. L’exposition éventuelle au virus est souvent retardée jusqu’à l’âge adulte.

Enfin, de nombreux pays sont inclus dans la zone d’endémicité intermédiaire : la transmission est liée tant à l’ingestion d’eau et d’aliments contaminés qu’aux contacts avec des personnes malades.

Dans un même pays ou région, en raison notamment de disparités de conditions socio-économiques, peuvent coexister des communautés où l’endémicité est basse ou haute.

Impact de la maladie

Les études de séroprévalence des anticorps anti-HAV montrent que l’hépatite A est une des infections les plus répandues dans le monde. L’Organisation Mondiale de la Santé estime qu’environ 1,5 million de cas surviennent annuellement. Mais cette estimation est largement inférieure à la réalité, en raison d’un déficit certain de la déclaration des cas.

Chez les enfants en bas âge, l’infection est généralement asymptomatique à légère. Avec l’âge, l’infection devient plus sévère. Le décours de la maladie est variable ; la plupart des patients se sentent mieux après quelques semaines. La récupération est totale, mais parfois après une convalescence de plusieurs mois.

La maladie entraîne parfois des complications ou une hépatite fulminante (1 cas pour 10.000), voire un décès. La mortalité chez les personnes de plus de 40 ans était, en 1995 aux Etats-Unis, de ±1%.
L’hépatite fulminante nécessite souvent, pour sauver la vie du patient, une transplantation hépatique.

On peut également appréhender l’impact de l’hépatite A par son coût économique. Celui-ci est estimé à 1,5 – 3 billions de dollars annuellement pour les Etats-Unis. Le coût est plus élevé dans les pays à basse endémie que dans les pays à haute endémie, en raison du déplacement de la maladie vers les âges où l’individu est économiquement productif et où la maladie s’accompagne de complications et donc d’un recours accru au système de soins.

Dans l’avenir, l’amélioration de l’état sanitaire et des conditions d’hygiène dans de nombreuses régions de la planète s’accompagnera paradoxalement d’un impact accru de la maladie en termes de morbidité, de mortalité,de détresse psychologique et de coûts économiques !

Vaccination

La protection conférée par les vaccins inactivés contre l’hépatite A repose sur la production d’anticorps neutralisants. L’efficacité protectrice du vaccin inactivé contre l’hépatite A a été démontrée dans deux études randomisées en double aveugle. On a également établi que la vaccination de 70% au moins d’une population entraînait une immunité de groupe (“herd immunity”).
Il y a maintenant un consensus pour considérer que la protection après vaccination (comme après infection naturelle) est valable pour la vie. Ceci s’explique par la persistance d’une immunité cellulaire après vaccination et la longue incubation de la maladie.
La réponse au vaccin est diminuée en présence d’anticorps circulants (transmis par exemple lors d’une immunisation passive par immunoglobulines ou par voie transplacentaire).
C’est la raison pour laquelle le vaccin est enregistré pour un usage à partir de l’âge de 1 an (2 ans aux Etats-Unis), moment où les anticorps maternels ont totalement disparu.

La stratégie de santé publique la plus efficace est celle qui permet d’atteindre une diminution maximale de la maladie avec un investissement financier minimum. Pour la définir, il est essentiel de connaître notamment les modes prédominants de dispersion de l’agent pathogène et les pics d’incidence au sein des différents groupes d’âges d’une population, la période et les conditions de contagiosité.
L’évolution actuelle des connaissances devrait amener progressivement à réviser les politiques d’immunisation centrées sur des groupes à risques, et ceci en fonction de l’épidémiologie du pays. Il est bien établi maintenant que pour certains pays ou régions, des réductions d’incidence seront plus vraisemblablement obtenues par la vaccination de routine des enfants en âge scolaire. En effet, les enfants peuvent être les principaux vecteurs de la dispersion du virus dans la population générale.
Les résultats de différentes expériences sont aujourd’hui disponibles pour étayer la réflexion à mener sur ces nouvelles options de politique vaccinale.

Les Pouilles (Italie)

La population de la région des Pouilles s’élève à ± 4 millions d’habitants. L’incidence annuelle en période interépidémique était comprise dans les années 90 entre 20 et 30/100.000 habitants. Le mode de contamination principal était lié à la consommation de coquillages. Il y a eu des épidémies en 1992 et en 1996-1997. En 1996, on dénombrait 5.673 cas (138,8/100.000) et 5.389 (131,8/100.000) en 1997. La majeure partie de ces cas était concentrée parmi les personnes de 11 à 30 ans. Une étude pharmaco-économique de l’épidémie de 1996 évaluait les coûts sociétaux de l’épidémie de 1996 à 40 millions de $US. Le gouvernement régional a alors décidé, à partir de la fin de l’année 1997, d’administrer une dose de vaccin contre l’hépatite A à l’âge de 15-18 mois (simultanément avec la vaccination RRO) et de remplacer par le vaccin bivalent hépatite A + hépatite B, le vaccin monovalent contre l’hépatite B donné en 3 doses à 12 ans (conformément au programme de vaccination national instauré depuis 1991). Depuis l’application de cette stratégie, on constate une absence d’épidémie et une raréfaction des cas. Par contre, dans la région voisine (la Campanie), où la vaccination de routine n’a pas été instaurée, une épidémie avec 615 cas est survenue en 2004.

La Catalogne (Espagne)

Cette province autonome d’Espagne, peuplée de 6 millions d’habitants, a initié un programme de vaccination contre l’hépatite B dans les écoles en 1990. Avec succès, puisque la couverture vaccinale dépasse 90% et la réduction de l’incidence de l’hépatite B aiguë parmi les jeunes âgés de 10 à 19 ans atteint 80% après un suivi de 8 années. Ici également, on a choisi de remplacer le vaccin monovalent contre l’hépatite B par un vaccin bivalent hépatite A + hépatite B. En raison de l’infrastructure organisée déjà pour la vaccination contre l’hépatite B, le coût supplémentaire par enfant vacciné était réduit. L’incidence de l’hépatite A a été observée dans les 3 ans précédant (1996-1998) et suivant (1999-2001) l’introduction de cette politique. La réduction d’incidence était significative dans tous les groupes d’âges, excepté parmi les personnes de plus de 60 ans.

North Queensland (Australie)

Dans les années 90, l’hépatite A était considérée comme un problème majeur de santé publique au North Queensland, en raison de 2 épidémies survenues sur une même décennie. Ce n’est qu’en 1996 qu’un système de surveillance a montré qu’en 1996-1999, l’incidence parmi la population indigène (110/100.000) était largement supérieure à celle rencontrée parmi la population non indigène (25/100.000). Dès février 1999, un accès gratuit à la vaccination contre l’hépatite A a été offert aux enfants indigènes, aux âges de 18 et 24 mois, ainsi qu’une vaccination de rattrapage jusqu’au 6ème anniversaire. En 2000-2003, l’incidence de la maladie chutait à 4,0/100.000 parmi la population indigène et à 2,5/100.000 parmi la population non indigène. La conclusion qu’on peut en tirer est qu’un programme de vaccination concentré sur un groupe de population à haut risque au sein d’une communauté peut réduire l’incidence de la maladie dans l’ensemble de cette communauté. En novembre 2005, cette stratégie vaccinale a donc également été appliquée à d’autres Etats : Queensland, Northern Territory, Western Australia et South Australia.

Israël

Dans ce pays, les épidémiologistes étaient convaincus que les nourrissons, pour la plupart d’entre eux fréquentant les crèches, étaient la source principale, directe ou indirecte, de transmission du virus à l’ensemble de la population. Une grosse épidémie en 1996 fut arrêtée par la vaccination des enfants âgés de 1 à 6 ans. Sur base de cette expérience et d’arguments pharmaco-économiques, le Gouvernement décidait de mettre en place, à partir de juillet 1999, un programme de vaccination gratuit pour tous les nourrissons âgés de 18 mois, avec administration d’une deuxième dose à 24 mois. La couverture vaccinale atteignait rapidement 90% du groupe cible, tandis que, dans le même temps, moins de 10% du reste de la population recevait le vaccin sur base d’une démarche individuelle. Trois ans après le début de ce programme, l’incidence de la maladie tombait à moins de 5/100.000 dans l’ensemble de la population, alors qu’elle était auparavant de 37,2/100.000 parmi la population juive et de 57,8 pour 100.000 parmi la population non juive. Cette diminution considérable n’était pas limitée aux seules cohortes vaccinées, mais touchait aussi tous les groupes d’âges, confirmant ainsi l’hypothèse que les jeunes enfants étaient bien les vecteurs principaux de l’HAV en Israël.

Certains Etats américains

Aux Etats-Unis, les recommandations initiales de l’Advisory Commitee on Immunization Practice (ACIP) visaient initialement la vaccination contre l’hépatite A des individus à haut risque d’infection, ainsi que des enfants dans les communautés à haute incidence de la maladie (comme les Indiens, les natifs en Alaska, etc).
En octobre 1999, une actualisation des recommandations proposait une vaccination de routine des enfants dans les Etats, Comtés et communautés où l’incidence de l’hépatite A atteignait le double ou plus de l’incidence nationale (10/100.000) durant la période 1987-1997 ; 11 Etats correspondaient à cette condition. Par ailleurs, cette stratégie était suggérée aux Etats dont l’incidence de cas d’hépatite A était comprise entre 10 et 20/100.000 (soit 6 d’entre eux).
L’impact de ces recommandations a été considérable : l’incidence nationale déclina à un niveau historiquement bas. Une analyse fine des couvertures vaccinales et des données de déclaration parmi les régions vaccinées et non vaccinées a permis de conclure que la majeure part de cette réduction est attribuable à la vaccination et que cette dernière induit une forte immunité de groupe.
En mai 2006, l’ACIP adaptait ses recommandations : la vaccination systématique contre l’hépatite A est actuellement recommandée, sur l’ensemble du pays, aux enfants à partir de l’âge d’un an (c.à.d. entre 12 et 23 mois). Les enfants non vaccinés à l’âge de 2 ans peuvent être vaccinés après cet âge. En outre, la vaccination reste recommandée aux personnes à risque accru d’infection.

Conclusions

L’expérience accumulée depuis plus de 10 ans a démontré que les vaccins contre l’hépatite A sont sûrs, hautement protecteurs à long terme sans nécessité de rappel chez des individus en bonne santé. La vaccination est efficace tant en prophylaxie et pour le contrôle des épidémies après exposition au virus, que dans des programmes de vaccination de routine. De nombreux pays en développement ont connu une évolution de l’épidémiologie de la maladie ; celle-ci touche plus souvent des adolescents et des adultes, avec le risque de formes cliniquement plus sévères, survenant par épidémies locales. L’ensemble des données disponibles grâce aux divers projets réalisés démontre qu’une réflexion doit être menée partout dans le monde, afin d’étudier, pour chaque pays ou région, la meilleure stratégie de prévention de l’hépatite A. La vaccination de routine des enfants semble donner des résultats prometteurs, via une rupture de la transmission des enfants aux adultes et l’induction d’une immunité de groupe. Il est certainement trop tôt pour évoquer des objectifs d’élimination ou d’éradication de cette maladie, mais le contrôle de la maladie est réalisable. Cependant, au-delà des arguments scientifiques, humanitaires et techniques se posent les questions de la volonté politique et, pour certains Etats, de l’accessibilité socio-économique d’un programme de vaccination généralisée.

Dr Patrick Trefois

Sources
- FE André. Universal Mass Vaccination Against Hepatitis A. CTMI (2006)304:95-114
- Prevention of Hepatitis A Trough Active or Passive Immunization. Recommendations of the Advisory Committee on Immunization Practices. MMWR, Recommendations and Reports Vol. 55 / RR-7 ; May 19, 2006
- P. Van Damme, K. Van Herck and P. Beutels. Vaccines against hepatitis A.In : Rodès J, Benhamou JP, Blei A, Reichen J, Rizzetto M, editors. Textbook of Hepatology : From Basic Science to Clinical Practice, 3rd ed. 2007 : 899-907. Blackwell Publishing, Oxford, UK.

Pour la pratique

• Vis-à-vis de l’hépatite A : l’Organisation Mondiale de la Santé recommande dans des pays à basse endémie, comme la Belgique et le GD de Luxembourg, de vacciner uniquement les personnes appartenant aux groupes à risque ; l’OMS, par contre, conseille la vaccination généralisée dans les pays à endémie moyenne et l’absence de vaccination dans les pays à haute endémie.

• En Belgique, le Conseil Supérieur de la Santé recommande la vaccination contre l’hépatite A aux groupes suivants :
- les voyageurs vers les zones endémiques
- les hommes homosexuels et bisexuels
- les candidats pour une transplantation hépatique
- les patients atteints de pathologies chroniques du foie (entre autres, les patients atteints d’hépatite C)
- les hémophiles
- les personnes en contact avec un patient atteint d’hépatite A
- le personnel et les résidents d’institutions pour handicapés mentaux
- les jeunes enfants d’émigrants qui retournent dans leur pays d’origine
- les personnes qui sont actives dans la chaîne alimentaire.

• Pour les voyageurs, la vaccination est recommandée aux personnes :
- qui se rendent en Afrique (y compris au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Lybie et en Egypte), en Amérique Latine, en Asie (y compris au Moyen Orient - dont la Turquie -, mais pas en Israël). Cette recommandation vaut quelle que soit la durée du voyage (donc aussi pour un séjour bref) et même si les conditions hygiéniques sont bonnes. Les voyageurs qui résident dans un pays à prévalence d’hépatite A élevée, chez des amis ou dans leur famille, sont particulièrement exposés.
- qui voyagent dans des conditions hygiéniques précaires, vers les Caraïbes, l’est et le sud de l’Europe(dont certains pays de la CE comme l’Espagne, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Grèce, l’Italie, la Pologne, le Portugal, la Slovaquie, la Tchéquie, la Slovénie). L’incidence de l’hépatite A est en effet plus élevée dans ces pays que dans le nôtre.

• En cas d’épidémie, la vaccination des personnes non immunisées dans l’entourage des patients atteints d’hépatite A est la mesure la plus importante de contrôle de la maladie. La vaccination donne une protection efficace, rapide et valable à vie. Elle peut encore être administrée, avec une efficacité protectrice de 80%, peu après (dans les 10 jours) l‘exposition à l’hépatite A. La vaccination doit donc être faite dès que possible après l’identification d’un cas contagieux.

• Le vaccin (Epaxal® ou Havrix®) est administré en deux doses, avec un intervalle minimum de 6 à 12 mois entre les 2 injections. La première dose sera donnée de préférence 14 à 30 jours avant un départ en voyage. Même une dose unique procure une protection pour une année de 80 à 90%. Lorsqu’une protection contre l’hépatite B est également souhaitée, le vaccin combiné contre les hépatites A et B (Twinrix®) peut être utilisé.


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