FR | NL
Accueil | A propos de Vax Info | Liens | Contact

HPV (papillomavirus humain)print

Papillomavirus humain et cancer du col utérin

publié le mardi 1er mai 2007

En Belgique, le cancer du col de l’utérus représente le 5ème cancer en fréquence chez la femme (après le sein, le côlon, les ovaires et le rectum). Environ 700 femmes sont annuellement atteintes d’un cancer invasif du col, parce qu’elles n’ont pas bénéficié d’un dépistage. On peut estimer que de 200 à 300 femmes décèdent chaque année en Belgique d’un cancer du col de l’utérus.

Un vaccin tétravalent contre le papillomavirus humain (contre les HPV 16, 18, 6 et 11) est d’ores et déjà disponible en pharmacie. Un vaccin bivalent (contre les HPV 16 et 18) est en cours de procédure d’agrément par l’EMEA. Le Conseil Supérieur d’Hygiène devrait émettre des recommandations quant à l’usage de ces vaccins dans les prochains mois.

Nous avons déjà évoqué ce sujet dans le Vax Info n°43. Il apparaît important de rappeler quelques notions essentielles utiles à la compréhension de la place et du mode d’action de la vaccination.

L’histoire naturelle du cancer du col utérin

Le cancer du col est très généralement précédé par une infection persistante par un papillomavirus (HPV) à haut risque.
La progression des anomalies cytologiques survient uniquement lorsque cevirus persiste dans l’épithélium du col (modifications des cellules au niveau de la jonction entre l’épithélium épidermoïde de l’exocol et l’épithélium de l’endocol). Les modifications cellulaires évoluent généralement très lentement, pour aboutir dans certains cas, après 10 à 15 ans, à un carcinome.
La longue latence entre l’apparition de l’anomalie cytologique et le cancer du col explique l’intérêt du dépistage. En effet, le cancer invasif est précédé de lésions précancéreuses (CIN = cervicalintra-epithelial neoplasia). Une proportion importante de ces lésions régresse spontanément. La sévérité du CIN détermine la probabilité de progression vers un cancer invasif. La plupart des CIN1 régressent, alors que la probabilité qu’un CIN3 devienne invasif est de plus de 10%.

Le papillomavirus

Il existe plus de 100 génotypes de papillomavirus (HPV), dont 40 environ peuvent provoquer des infections anogénitales.
On peut classer les HPV, d’une part en types à haut risque pour le cancer du col, d’autre part en types à bas risque. Douze types sont considérés comme carcinogènes (HPV 16, 18, 31, 33, 35,39, 45, 51, 52, 56, 58, 59) et 6 types comme probablement carcinogènes (HPV 26, 53, 66, 68, 73 et 82). L’HPV 16 et l’HPV 18 sont retrouvés dans plus de 70% des cancers du col utérin. L’ensemble de ces types d’HPV sont responsables de plus de 90% des cancers du col utérin. Le rôle de certains de ces types d’HPV dans d’autres cancers est moins important.Toutefois le virus, particulièrement l’HPV 16, est parfois également associé au cancer du vagin, de la vulve, de l’anus, du pénis et à certains cancers oro-pharyngés.

Les types à bas risque n’ont pas d’oncogénicité prouvée ; ils provoquent seulement l’apparition de lésions CIN1 et CIN2. Ainsi les HPV 6 et 11, qui n’ont pas de liens avec le cancer, sont responsables du développement de 90% des condylomes acuminés.

Tous les types d’HPV sont transmis lors des activités sexuelles (même par simple contact de peau à peau dans la région ano-génitale, comme lors des jeux amoureux en l’absence de pénétration). En raison de leur fréquence, ils sont considérés comme l’infection sexuellement transmissible ayant la prévalence la plus forte sur la planète. Environ 80% des femmes seront infectées un jour par l’HPV. Parmi les femmes infectées, 20 à 30% le sont par plusieurs types d’HPV.
Le pic de prévalence de l’infection génitale à HPV se situe peu de temps après le début de l’activité sexuelle.
La grande majorité des infections à HPV (80%) est asymptomatique et disparaît dans les 6 à 18 mois grâce à l’apparition d’une immunité.

La prévention secondaire du cancer du col

Elle repose sur le dépistage du cancer du col par frottis cytologique. Ce dépistage permet d’éviter en Belgique, annuellement, de nombreux cancers du col (en l’absence de données précises,on peut estimer ce chiffre au-delà de 1.000 - 1.200). Mais, malgré une couverture de près de 60% du groupe cible (voir encadré), le dépistage a, en Belgique, un effet trop faible sur la mortalité. Ceci s’expliquerait par une participation insuffisante des femmes plus âgées et par un suivi insuffisant des anomalies détectées. On constate que des patientes de milieu socio-économique favorisé sont dépistées trop fréquemment ; par contre, les femmes issues de populations socio-économiquement défavorisées et de l’émigration récente bénéficient trop rarement du dépistage et sont plus à risque de présenter des cancers invasifs.

Groupe cible du dépistage

De manière générale, on propose :
 de commencer le dépistage du cancer du col à l’âge de 25 ans ;
 de pratiquer un frottis du col tous les 3 ans ;
 d’arrêter le dépistage à 65 ans.

Cet intervalle de 3 ans permet de détecter plus de 90% des pathologies qui ont un potentiel de progression vers un cancer invasif du col. La fréquence annuelle ne permet qu’un gain minimed e détection.
La qualité du frottis est un facteur essentiel dans le dépistage : il faut donc obtenir du laboratoire un feedback sur la qualité du frottis.
La technique du frottis classique sur lame selon Papanicolaou est encore largement pratiquée. Une modalité alternative à l’étalement immédiat sur lame est la conservation du frottis en phase liquide. Ce mode de prélèvement permet une éventuelle détection du virus HPV, facteur de risque du cancer.
Ce test a une sensibilité élevée. Mais l’annonce du portage du virus peut provoquer une inquiétude inutile chez la femme puisqu’une majorité des infections guérissent spontanément. La spécificité d’un test de détection du génome d’HPV est plus faible que celle de la cytologie vis-à-vis du cancer. L’association des 2 tests aune valeur prédictive négative proche de 100% (si la détection du génome d’HPV et la cytologie sont simultanément négatives). Le coût d’un test HPV s’élève de 10 à 50 euros, montant facturé à la patiente. Selon les méta-analyses, l’intérêt du test de détection de l’HPV réside uniquement dans sa complémentarité vis-à-vis d’un frottis montrant des atypies malpighiennes de signification indéterminée (ASCUS dans la classification de Bethesda), ou dans la détection précoce, après traitement local, d’un carcinome.

La vaccination contre l’HPV

L’objectif de la vaccination est de stimuler la production d’anticorps neutralisants contre l’HPV. L’objectif ultime est évidemment la prévention primaire du cancer du col.
Les vaccins contiennent les protéines L1 de la capside du virus. Pour rappel, les HPV 16 et 18 sont responsables de 70% environ des cancers du col dans le monde. Les HPV 6 et 11 sont responsables de l’apparition d’environ 90% des condylomes acuminés.

Le vaccin tétravalent (Gardasil™ de Sanofi Pasteur MSD) est un vaccin recombinant adsorbé qui contient des protéines L1 des HPV 16, 18, mais aussi 6 et 11 responsables de l’apparition de condylomes acuminés. Le vaccin contient du sulfate d’hydroxyphosphate d’aluminium amorphe comme adjuvant.
Les études cliniques (incluant au total 20.541 femmes âgées de 16 à 26 ans) ont montré, chez les femmes qui n’étaient pas porteuses du virus lors de la vaccination, une efficacité élevée (plus de 93% - étude avec vaccin monovalent HPV 16 - à 100% - étude avec vaccin HPV quadrivalent 6, 11, 16 et 18 -) pour prévenir les infections persistantes dues aux HPV 16 et 18, et une efficacité de 100% pour la prévention des lésions CIN de haut grade. L’immunogénicité a été évaluée chez plus de 8.900 femmes âgées de 18 à 26 ans et 3.400 filles et garçons âgés de 9 à 17 ans. Le taux minimum d’anticorps protecteur n’a pas encore été défini pour les vaccins HPV. De manière générale, plus de 99% des sujets vaccinés montraient, un mois après la 3ème dose (schéma 0, 2, 6 mois), des titres d’anticorps élevés contre les HPV contenus dans le vaccin.
Les données disponibles sur la durée de protection sont encourageantes. Le suivi des premières cohortes vaccinées permet d’avoir un recul de 5 ans. L’efficacité après ce laps de temps reste de 100% vis-à-vis des lésions cytologiques dues aux HPV 16 et 18.

La notice reprend comme indication la prévention des dysplasies de haut grade du col de l’utérus (CIN2/3), des cancers du col de l’utérus, des dysplasies de haut grade de la vulve (HPV 16 et 18) et des verrues génitales externes (HPV 6 et 11).
Actuellement, l’usage du vaccin est limité, sur base des études disponibles, à la tranche d’âge de 9 ans à 26 ans. Des études de phase III sont en cours pour déterminer le profil d’utilisation chez des femmes âgées de plus de 26 ans.
Le schéma de vaccination comporte 3 doses administrées à 0, 2 et 6 mois. Le délai entre la 1ère et la 2ème dose doit être de minimum 1 mois, entre la 2ème et la 3ème de minimum 3 mois. Les 3 doses doivent être administrées en moins d’un an. Le vaccin est administré en intramusculaire, de préférence dans la région deltoïdienne.
Les contre-indications sont classiques : hypersensibilité à un composant du vaccin ou après l’administration d’une dose antérieure du vaccin. On conseille aussi de différer l’injection en cas de maladie fébrile aiguë sévère. Le vaccin peut être administré chez des personnes ayant des troubles immunitaires ou une infection par le virus de l’immunodéficience humaine VIH, mais ces personnes peuvent ne pas répondre au vaccin.
Le vaccin peut être administré concomitamment, mais en des sites différents, avec le vaccin contre l’hépatite B, sans diminution majeure de l’immunogénicité des deux vaccins. Par contre, en l’absence actuelle de données, il ne peut être administré simultanément au vaccin RRO (rougeole, rubéole, oreillons), ni au vaccin dT (diphtérie, tétanos). L’utilisation de contraceptifs hormonaux ne semble pas modifier, dans les études disponibles, la réponse immunitaire à l’injection de Gardasil.
Bien que les études menées n’aient pas montré de problème de sécurité, la vaccination doit être évitée chez la femme enceinte et reportée après le terme de la grossesse. Le vaccin peut être administré pendant l’allaitement.
Les études cliniques ont montré un bon profil de tolérance, avec des effets indésirables “classiques” : notamment fièvre, douleur et érythème au point d’injection. Néanmoins, comme pour tout nouveau médicament mis sur le marché, un suivi attentif de pharmacovigilance devra être assuré.
Des études de suivi à long terme(sécurité, efficacité, immunogénicité, durée de protection) sont en cours dans certains pays du nord de l’Europe (pays disposant de systèmes performants d’enregistrement des dépistages du cancer du col et des cancers).
La FDA (Food and Drugs Administration) aux Etats-Unis et l’EMEA (European Medecine Agency) ont approuvé le vaccin Gardasil™.
Gardasil™ est disponible en Belgique depuis le 3 novembre 2006.

Le vaccin bivalent mis au point par GSK est soumis à la procédure d’enregistrement à l’EMEA. Il contient les protéines L1 des HPV 16, 18. Le vaccin contient un nouvel adjuvant composé de l’hydroxyde d’aluminium et du 3-O-desacyl-4’- monophosphoryl lipid A (ASO4).
L’efficacité du vaccin bivalent contre les HPV 16 et 18 a été étudiée dans des études incluant 1.113 femmes âgées de15 à 25 ans. L’efficacité du vaccin contre les infections à HPV 16 et 18 s’élève à plus de 94% vis-à-vis des nouvelles infections, à 100% vis-à-vis des infections persistantes (au moins 12 mois), à 100% contre les néoplasies intraépithéliales (CIN) grade 1 et supérieur.
L’immunogénicité a été évaluée chez plus de 2.400 personnes âgées de 10 à 55 ans. Un mois après la 3ème dose, 100% des personnes vaccinées avaient développé des anticorps vis-à-vis des deux types d’HPV. Le pic d’anticorps survient au 7ème mois après la première dose et la persistance d’anticorps anti-protéines L1 est démontrée, aussi bien pour l’HPV 16 que 18, 5 ans après la vaccination. Le titre d’anticorps est beaucoup plus important que celui induit par l’infection naturelle à HPV.
Des essais cliniques avec le vaccin de GSK suggèrent que, par comparaison avec une formulation contenant pour adjuvant le seul hydroxyde d’aluminium, une formulation incluant l’adjuvant immunitaire ASO4 permet une réponse immunitaire majorée (plus haut taux d’anticorps dans les sécrétions cervicales et induction accrue de lymphocytes mémoire et plasmocytes à longue durée de vie). Le schéma de vaccination appliqué dans les études comporte 3 doses administrées à 0, 1 et 6 mois. Le vaccin est administré en intramusculaire, dans la région deltoïdienne.

Les études cliniques ont montré un bon profil de tolérance, avec des effets indésirables “classiques” : notamment fièvre, douleur et érythème au point d’injection. L’efficacité de la vaccination par le vaccin bivalent des femmes jusqu’à 55 ans, vis-à-vis des lésions précancéreuses, est en cours d’évaluation dans plusieurs études. Les premiers résultats d’immunogénicité dans ce groupe d’âge sont déjà publiés.

Aucun des vaccins n’a démontré un effet thérapeutique : ils ne sont donc pas indiqués pour le traitement des dysplasies de haut grade, ni pour les cancers (col, vulve, vagin, verrues génitales).

Après vaccination, une femme déjà infectée par un des deux virus contenus dans le vaccin, bénéficiera d’une protection contre l’autre virus.

Perspectives

Des résultats préliminaires permettent d’envisager que la vaccination au moyen des sérotypes 16 et 18 déclenche une certaine protection croisée. Ainsi, la vaccination avec le vaccin tétravalent induit des anticorps contre d’autres types d’HPV – notamment 31 et 45 - que ceux contenus dans le vaccin (cross reactivity). La possibilité que ces anticorps neutralisent les virus présents dans le mucus cervical et préviennent ainsi des infections avec les types d’HPV correspondant a été démontrée in vitro (cross neutralisation). Cet élément est très intéressant, mais nous manquons encore de recul pour chiffrer l’impact de cette protection immunitaire sur l’apparition d’infections cliniques (cross protection) et au-delà l’apparition de lésions cytologiques.
Pour le vaccin bivalent, une protection in vivo partielle contre l’HPV 45 et moindre pour l’HPV 31 (cross protection) a été observée dans une étude.
Des données et analyses supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre ce phénomène de cross protection (immunité humorale et/ou immunité cellulaire ?) et pour confirmer la réelle importance clinique de cette protection vis-à-vis du développement d’infections persistantes et de lésions cytologiques et histologiques. Tenant compte de l’épidémiologie de l’infection à HPV et de l’efficacité du vaccin, on peut considérer que la vaccination de toutes les adolescentes, vers l’âge de 11-12 ans, constituera la mesure de santé publique prioritaire.
A l’heure actuelle, le Conseil Supérieur d’Hygiène n’a pas encore publié ses recommandations. Aux Etats-Unis, l’ACIP (Advisory Commitee for Immunization Practices) recommande de vacciner les filles de 11-12 ans, mais permet également de vacciner les filles et femmes de 9 à 26 ans. Le coût important du vaccin (environ 400 euros pour une vaccination complète) réduit malheureusement son accessibilité. De nombreuses mutuelles remboursent partiellement cette vaccination dans le cadre de leurs assurances complémentaires.

Dr P. Trefois et
Prof. M. Van Ranst

Abonnez-vous à la newsletter