Varicelle
Vaccination des enfants
Actuellement, en Belgique, la vaccination contre la varicelle est ciblée sur des groupes et individus à risque. Le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) et le KCE ont remis des avis et rapport motivés soutenant ce choix. L’article ouvre la réflexion sur quelques arguments qui sous-tendent les recommandations belges actuelles.
Dans son avis de septembre 2005 (CSS 8145) concernant l’utilisation du vaccin contre la varicelle en Belgique, le Conseil Supérieur de la Santé ne recommande pas la vaccination universelle des enfants. D’une part, il met en évidence l’écueil lié à une couverture vaccinale insuffisante et à une persistance de la circulation du virus sauvage, avec en conséquence une probabilité accrue de survenue de varicelle chez des personnes non immunisées plus âgées qui courent le risque d’une maladie plus grave. D’autre part, il souligne le manque de données quant à la durée de la protection après la vaccination. Une vaccination ciblée des groupes et individus à risque est recommandée.
Dans son rapport de 2010 (KCE 151A - voir article "Manque de données pour une vaccination généralisée"), le Centre fédéral d’expertise des soins de santé conclut que la vaccination des enfants contre la varicelle ne sera pas rentable (cost-effective) en Belgique pendant des décennies, si l’hypothèse de rappels réguliers (boosting exogène) par le virus sauvage est confirmée. Selon cette dernière hypothèse, le démarrage d’un programme de vaccination chez les enfants sera suivi pendant de nombreuses années par une augmentation du nombre annuel de cas de zona (herpès zoster), liée au manque de stimulation régulière du système immunitaire par contact réduit avec la varicelle. Toutefois, si cette hypothèse de boosting exogène n’est pas confirmée, la vaccination généralisée contre la varicelle avec un schéma de 2 doses peut être rentable en Belgique, au prix actuel du vaccin.
Questions soulevées
Certains scientifiques soulèvent diverses interrogations susceptibles d’ouvrir les débats sur ces deux positions officielles, notamment :
- Quel fardeau lié à la maladie chez les enfants et quel montant de dépenses connexes pouvons-nous et voulons-nous, en tant que société, tolérer en reportant la vaccination contre la varicelle jusqu’au moment où des réponses définitives seront données à certaines questions ?
- Les objections émises à la proposition de lancement d’une vaccination universelle sont-elles suffisamment étayées ? Ces objections sont principalement le déplacement du pic d’incidence de la varicelle à un âge plus avancé et l’augmentation des cas de zona pendant les 30 à 50 ans suivant le début du programme de vaccination.
Quelques rappels (1,2,3,4)
Varicelle
Chez les enfants, la maladie induite par l’infection par le virus varicelle-zona (VVZ) est le plus souvent bénigne. Par contre, le risque de varicelle sévère est estimé à 30% chez les patients immunodéprimés, avec un risque de décès de ± 10%. Les adultes non immunisés peuvent également présenter une maladie plus grave lors d’une contamination par le virus varicelleux. En l’absence de vaccination, l’infection touche près de 100% de la population : en Belgique, on estime que 90% des enfants font la varicelle avant l’âge de 5 ans.
La varicelle est responsable d’encéphalite (1 pour 4.000), d’hospitalisation (1 à 5 pour 1.000 selon l’âge) et de décès (2/100.000, surtout chez des adultes et chez des immunodéprimés).
Zona
Le zona est causé par la réactivation du VVZ, survenant des décennies après l’infection initiale, lors d’une baisse de l’immunité cellulaire (par exemple due au vieillissement). Au cours de leur vie, 15 à 20% des personnes qui ont fait la varicelle risquent de faire un zona. Ce dernier est caractérisé par une éruption vésiculaire limitée au dermatome correspondant au ganglion sensitif, siège de la réactivation du virus. L’atteinte est le plus souvent thoracique, mais aussi céphalique et cervicale. Les atteintes ophtalmiques sont particulièrement graves. La durée de l’éruption est généralement limitée à 2 - 3 semaines en l’absence d’immunodépression.
Une complication classique est l’apparition de douleurs aiguës (limitées dans le temps, de 3 jours à plus d’une semaine). Des douleurs post-zostériennes persistantes s’observent dans ± 30% des cas (durée ≤ 30 jours). Pour ± 10% des cas, les douleurs excèdent une durée de 90 jours. La fréquence des douleurs persistantes augmente avec l’âge.
Efficacité du vaccin
La première dose de vaccin vivant atténué donne une séroconversion chez 98% des enfants âgés de 12 mois à 12 ans, et une séroprotection chez 83%. Une varicelle peut survenir chez des enfants dans les années suivant la vaccination, mais celle-ci se présente généralement sous une forme légère.
Au-delà de 12 ans, après administration de deux doses de vaccins (avec 4 à 8 semaines d’intervalle), on atteint un taux de séroprotection, 6 semaines après la seconde dose, chez 76 à 98% des vaccinés.
Sur base de l’expérience dans les pays où la vaccination généralisée est recommandée (Japon et Etats-Unis), on estime que l’immunité conférée par le vaccin atteint au moins 10 à 20 ans. Une immunité collective (herd immunity) a été constatée, notamment aux Etats-Unis, avec une réduction de la varicelle chez les nourrissons non vaccinés (5,6). Suite à la vaccination, une fièvre et une éruption peuvent survenir chez 5 à 15% des enfants. Ces effets indésirables sont plus graves et plus fréquents chez les enfants immunodéprimés.
Analyses coût/bénéfices
Une étude belge évalue l’incidence annuelle des consultations en médecine générale à 346/100.000 personnes pour la varicelle et à 378/100.000 personnes pour le zona. Le taux d’hospitalisation annuel pour varicelle atteint 5,3/1.000 et pour zona 14,2/1.000. Les coûts médicaux directs sont deux fois plus importants pour le zona, comparés à ceux engendrés par la varicelle (7). La vaccination des enfants contre la varicelle ne sera pas rentable (cost- effective) pendant des décennies, si l’hypothèse du « boosting exogène » par le virus sauvage est confirmée (8,9). Cependant, les évaluations économiques sont extrêmement dépendantes des paramètres pris en compte (coûts directs et/ou indirects, etc) et de leur quantification, si bien que les études publiées présentent des conclusions diverses (10).
Déplacement du pic d’incidence de la varicelle à un âge plus avancé
Avant l’introduction de la vaccination universelle contre la varicelle en 1995, environ 73% des cas de varicelle survenaient aux États-Unis chez les enfants de moins de 6 ans, avec un pic entre 3 et 6 ans. En 2004, on constatait à peine 30% du nombre total de cas de varicelle chez les enfants de moins de 6 ans. Sous l’influence d’un programme à une dose de vaccin, on voit le pic d’incidence reculer vers 6-9 ans ; pour un programme à deux doses, le pic d’incidence se situe vers 9-12 ans, sans augmentation du nombre total de cas chez les enfants plus âgés en comparaison avec la période avant vaccination (voir graphique ci-dessous). Au contraire, depuis le démarrage des programmes de vaccination universels, il y a une diminution des hospitalisations ou de l’incidence de la varicelle dans tous les groupes d’âge dans presque toutes les études de suivi (11,12).
L’application d’un schéma en deux doses de vaccination réduirait l’incidence de la varicelle à un niveau très bas, moyennant une couverture vaccinale de 90% pour la première dose et de 70% minimum pour la seconde (13,14). Une couverture vaccinale élevée avec application d’un schéma à 2 doses d’un vaccin quadrivalent rougeole-rubéole-oreillons-varicelle peut induire une immunité collective suffisante pour interrompre la trans-mission du virus et la protection des personnes non vaccinées. Cependant, la question reste posée : comment peut-on, en Belgique, atteindre une telle couverture vaccinale contre la varicelle avec le schéma actuellement appliqué et l’âge d’administration préconisé pour le RRO ? Le calendrier en 2 doses de quadrivalent (avec la première à 12-15 mois et la seconde à 4-6 ans) est maintenant recommandé aux Etats-Unis par l’ Advisory Commitee on Immunization Practices. En outre, une vaccination de rattrapage (quadrivalent) est proposée pour les enfants, adolescents et adultes n’ayant reçu qu’une dose (15).
Augmentation des cas de zona suite à un programme de vaccination des enfants
Il y a des indices que des contacts répétés avec le virus de la varicelle diminuent le risque de faire un zona (boosting exogène). Une exposition exogène au virus herpès zoster via contact avec des enfants contaminés protège les personnes porteuses d’une infection latente contre le zona à un âge plus tardif (16).
De cette constatation découle l’hypothèse qu’une moindre survenue de varicelle chez les enfants, consécutive à la vaccination, pourrait faire augmenter le risque de zona chez les plus âgés, du moins aussi longtemps que la majorité des adultes n’auront pas été vaccinés. Cette hypothèse a été vérifiée dans une étude en Australie (17). Sur base de modèles théoriques et mathématiques, on a calculé que le nombre annuel de cas de zona dans les 30 à 50 ans suivant le démarrage d’un programme de vaccination contre la varicelle augmenterait (18,19). Certains modèles parlent d’un accroissement du risque de zona de 1/3 à 2/3 durant ces 50 années, avec une charge financière supplémentaire pour le système de santé (20).
Conclusion
Il demeure néanmoins des questions suscitant le débat : les modèles théoriques sont-ils (toujours) en mesure d’estimer ou de reproduire la situation dans la vie réelle ?
Ne peuvent-ils pas sur- ou sous-estimer les avantages et inconvénients d’une intervention déterminée ?
Certaines variables ou paramètres sont- ils toujours correctement quantifiés ? Par ailleurs, les études de suivi ne donne pas d’indication univoque d’accroissement de l’incidence du zona après la mise en place d’un programme de vaccination universelle ; certaines montrent un accroissement de l’incidence avant même l’implantation de la vaccination contre la varicelle (21,22,23).
Les données disponibles actuellement démontrent que le zona survient moins chez les personnes vaccinées que chez les non vaccinées. La souche vaccinale est moins virulente que la souche sauvage. Ainsi, on a montré que la vaccination des enfants immunodéprimés confère une protection relative contre le zona dans ce groupe particulièrement exposé (24). Sur base des études actuelles, on peut conclure qu’il n’y a aucun problème de vacciner les enfants pour les protéger à titre individuel, mais que de nombreuses questions demeurent sans réponse et rendent difficile l’édiction d’une recommandation de vaccination généralisée.
Pédiatre
Virga Jesseziekenhuis, Hasselt
Références
1. S. Van Lierde. Vaccinations. In Pédiatrie. Capita Selecta. I. Senterre & R. Eeckels. Ed. Garant 1996.
2. Recommandations concernant l’utilisation du vaccin contre la varicelle en Belgique. Avis 8145. Conseil Supérieur de la Santé.
3. Rapport coût-utilité de la vaccination contre la varicelle chez les enfants, et de la vaccination contre le zona chez les adultes en Belgique. KCE Reports 151B. https://kce.fgov.be/fr/publication/report/rapport-coût-utilité-de-la-vaccination-contre-la-varicelle-chez-les-enfants-et-de
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8. Idem 3
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