FR | NL
Accueil | A propos de Vax Info | Liens | Contact

Diversprint

Choix des critères d’efficacité d’une politique vaccinale

publié le jeudi 11 décembre 2014

L’impact d’une politique de vaccination ne peut se résumer à l’efficacité vaccinale, qui est une caractéristique propre au vaccin. En vaccinologie, l’évaluation de l’intérêt d’une vaccination dans une population donnée repose aussi sur d’autres indicateurs, comme le VPDI (vaccine preventable disease incidence) qui tient compte de l’incidence des maladies et de leurs conséquences.

L’efficacité vaccinale (EV) est une caractéristique intrinsèque du vaccin. Elle se mesure en comparant les taux de survenue d’une maladie infectieuse, dont l’étiologie est confirmée par laboratoire, dans un groupe de personnes vaccinées versus un groupe de personnes non vaccinées, dont les caractéristiques sont comparables.
Par exemple, l’efficacité du vaccin contre l’hépatite A est de près de 100% vis-à-vis l’hépatite liée au virus correspondant, celle du vaccin contre l’Haemophilus influenzae de type b (Hib) chez les jeunes enfants est de ± 95% contre les infections invasives dont cette bactérie est responsable [1].

VPDI (vaccine preventable disease incidence)

L’efficacité vaccinale est loin d’être le seul critère à prendre en compte lorsque l’on évalue l’impact d’une vaccination. Un des éléments majeurs dans l’évaluation de l’intérêt de généraliser une vaccination est l’incidence de la maladie.
Un nouveau type d’études est mené, non pas pour quantifier l’EV, donnée déjà connue, mais pour pouvoir évaluer l’impact de l’usage d’une vaccination dans une population, sur la survenue d’une variété d’infections. Une mesure dénommée VPDI (vaccine preventable disease incidence) permet de quantifier l’incidence des maladies évitées grâce à la vaccination et de comparer les incidences de celles-ci dans une population vaccinée et non vaccinée.
Ainsi, dans un article publié dans Vaccine [2], les auteurs comparent notamment des données relatives au vaccin contre l’Hib, au vaccin conjugué contre le pneumocoque et au vaccin contre le rotavirus.

  • Dans le contexte de l’Indonésie, le vaccin contre l’Hib a une efficacité vaccinale de 86% vis-à-vis de la méningite à Hib (diagnostic étiologique confirmé par laboratoire) ; l’incidence de cette infection dans la population non vaccinée est de 19/100.000 personnes et par an. La VPDI (l’incidence des maladies évitées grâce à la vaccination) est donc estimée à 16/100.000 personnes et par an. Le même vaccin a une efficacité de 4% vis-à-vis de la pneumonie clinique (toutes causes). L’incidence de cette infection étant de 39.500/100.000 personnes et par an, la VPDI est estimée à 1.580/100.000 personnes et par an. On constate que la vaccination contre l’Hib permet d’éviter plus de cas de pneumonie que de cas de méningite à Hib.
  • Dans le contexte de la Gambie, un vaccin conjugué expérimental contre le pneumocoque (9-valent) a une efficacité vaccinale de 77% vis-à-vis des infections invasives à pneumocoque (diagnostic étiologique confirmé par laboratoire) ; l’incidence de cette infection dans la population non vaccinée est de 250/100.000 personnes et par an et la VPDI est estimée à 190/100.000 personnes et par an. Le même vaccin a une efficacité vaccinale de 7% vis-à-vis de la pneumonie clinique (toutes causes). L’incidence de cette infection étant de 24.900/100.000 personnes et par an, la VPDI est estimée à 1.700/100.000 personnes et par an.
  • Dans le contexte du Kenya, le vaccin contre le rotavirus a une efficacité vaccinale de 83% vis-à-vis des gastro-entérites sévères à rotavirus nécessitant un recours au système de soins durant la première année de vie ; l’incidence de ces cas dans la population non vaccinée est de 40.000/100.000 personnes et par an et la VPDI est estimée à 3.300/100.000 personnes et par an. Le même vaccin a une efficacité de 34% vis-à-vis des gastro-entérites avec déshydratation prises en charge à domicile durant la 1ère année de vie. L’incidence de ces cas étant de 55.000/100.000 personnes et par an, la VPDI est estimée à 19.000/100.000 personnes et par an.

Dans ces trois exemples, on constate que l’on peut obtenir d’excellentes VPDI malgré une efficacité vaccinale médiocre.

Le choix de l’indicateur d’efficacité

Lorsqu’on administre une vaccination, le résultat final recherché induit l’indicateur à retenir pour mesurer l’efficacité. Ce choix est évidemment crucial pour la prise de décision.
Ainsi, un médecin considérera important de protéger son patient par une vaccination efficace ; un responsable politique en charge d’un budget de santé national jugera important de mieux maîtriser le coût des soins par une réduction du nombre d’hospitalisations liées à une infection. Ces deux types d’objectifs peuvent par ailleurs être compatibles.

Si nous prenons l’exemple de la vaccination contre le rotavirus, des données belges chiffrent l’efficacité vaccinale à ± 90% sur la prévention d’une hospitalisation pour gastro-entérite à rotavirus ; ainsi, en Belgique, la vaccination permet d’éviter annuellement ± 4.600 hospitalisations d’enfants âgés de moins de 7 ans [3]. Suite à la recommandation de vaccination de 2007, le nombre de cas identifiés par laboratoire a été réduit de plus de 60% (plus de 80% chez les enfants de moins de 1 an en 2008, comparé à la saison 2005-2006) [4].

Le cas de la vaccination contre la grippe illustre également ce type de raisonnement. La vaccination chez des adultes en bonne santé offre une protection de ± 80% contre l’infection. Mais ce chiffre est nettement plus faible chez les individus dits à risque, comme les personnes âgées de 75 ans et plus et les personnes atteintes de troubles immunitaires, où il est estimé à ± 30 – 40%.
La vaccination est donc plus efficace chez les adultes en bonne santé

  • si elle vise à protéger les individus pour qu’ils évitent l’infection ;
  • ou si elle a pour but de réduire l’absentéisme.

Par contre, le point de vue de la santé publique est plutôt de réduire les complications liées à la grippe, les hospitalisations et les décès. Avec ces objectifs, la vaccination cible les personnes à risque, étant donné l’incidence accrue des complications, hospitalisations et décès chez ces dernières.

La rédaction

[1Daniel R. Feikin. Anthony G. Scott et Bradford D. Gessner. Use of vaccines as probes to define disease burden. Lancet. 2014 ; 383 : 1762-1770. doi:10.1016/ S0140-6736(13)61682-7.
http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(13)61682-7/abstract

[2Bradford D. Gessner, Daniel R. Feikin. Vaccine preventable disease incidence as a complément to vaccine efficacy for setting vaccine Policy. Vaccine. 2014 ; 32 : 3133-3138. DOI : 10.1016/j. vaccine.2014.04.019
http://www.sciencedirect.com/science/ article/pii/S0264410X14005210

[3A. Vergison. Rotavirus. Résultats de la Vaccination. Vax Info n° 61 – septembre 2011.
http://www.vaxinfopro.be/spip.php?article89&lang=fr&retour=1

[4G. Hanquet, G. Ducofre, A. Vergison et al. Impact of rotavirus vaccination on laboratory confirmed cases in Belgium. Vaccine. 2011 ; 29:4698-4703.
http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0264410X11006530


Abonnez-vous à la newsletter