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Coquelucheprint

Transmission intrafamiliale

publié le mardi 1er octobre 2002

En Belgique, les années ’50 ont vu les débuts de la vaccination contre la coqueluche. Celle-ci était administrée principalement avec le vaccin combiné Combivax® et reposait sur 3 injections de base aux âges de 3, 4 et 5 mois,et sur une dose de rappel à 13-14 mois. Grâce à l’efficacité des vaccins utilisés et à une couverture vaccinale élevée dans la population, on a assisté à une baisse importante du nombre de cas de coqueluche et les jeunes enfants étaient protégés contre une maladie potentiellement mortelle.
La quasi-disparition de l’image clinique typique a cependant abouti à une vigilance amoindrie chez les médecins et a amené certains à considérer la coqueluche comme une maladie disparue. Au cours de la dernière décennie, différents rapports ont été publiés, décrivant un accroissement du nombre de cas de coqueluche, et ceci aussi bien chez des adolescents et des adultes que des nourrissons [1] [2] [3] [4]. Qu’il s’agisse d’une réelle augmentation ou d’une contribution d’une meilleure identification liée aux nouvelles méthodes diagnostiques n’est pas tout à fait clair [4]. La situation est différente d’un pays à l’autre, avec une série de grandes épidémies dans certains pays comme les Pays-Bas. En dépit de grandes différences géographiques, l’accroissement parmi les nourrissons de moins de deux mois non vaccinés paraît réel dans tous les pays, y compris dans ceux où ne surviennent pas d’épidémies [5] [2]. Cette situation est celle de notre pays où nous voyons, depuis 1996, une augmentation modérée du nombre de cas de coqueluche [6]. La cause de cet accroissement est probablement multifactorielle : y contribue une couverture vaccinale diminuée en raison de la faible popularité du vaccin utilisé à l’ origine et, principalement, de l’abandon du rappel à cause de ses effets secondaires. Ceci explique que l’on soit passé en janvier 2001 à un vaccin acellulaire et que l’âge des administrations de base ait été abaissé à 2, 3 et 4 mois.

Confirmation du rôle de la transmission intrafamiliale

La contamination du nourrisson est principalement attribuée aux adolescents et adultes de la cellule familiale, qui constitueraient un réservoir de souches circulantes de B. pertussis [7] [8]. Cependant, on n’avait encore jamais montré jusqu’à présent que la même souche de B. pertussis, qui occasionne une maladie atténuée et atypique chez l’adolescent et l’adulte, puisse mener à une coqueluche typique chez le nourrisson de moins de deux mois non vacciné.

Des techniques ont été développées récemment pour le typage génétique de souches de B. pertussis : le typage de la pertactine (prn) et de la toxine pertussique (ptxS1) est réalisé par séquençage du PCR spécifique et le typage moléculaire des souches de B. pertussis peut être effectué par électrophorèse en champ pulsé (PFGE). Cette dernière technique avait déjà été utilisée dans d’autres études sur la transmission du B. pertussis pendant une épidémie [9].

En février 1999, à l’AZ-VUB, nous avons mené dans notre hôpital un suivi familial prospectif pour étudier le mode de contamination de la coqueluche. Une aspiration nasopharyngée a été effectuée pour PCR et culture à la recherche de B. pertussis dans l’entourage familial d’un enfant (cas index) faisant une coqueluche, confirmée elle aussi par PCR ou culture. Simultanément, l’âge, les symptômes et l’état vaccinal de ces proches étaient notés. Lorsqu’au sein d’une même famille était constatée une culture positive aussi bien du cas index que d’un ou plusieurs membres de l’entourage familial, les souches isolées étaient comparées à l’aide d’une part d’un typage du pm-gen et du psx-gen et d’autre part du PFGE.
Au cours d’une période de 36 mois, une contamination par B. pertussis a été démontrée par PCR et/ou culture chez 93 enfants symptomatiques (cas index), dont 41 filles et 52 garçons. Cinquante deux des 93 cas index étaient âgés de moins de 4 mois et non vaccinés ou vaccinés incomplètement. Les 41 cas index restant étaient âgés de 4 mois à 17 ans et, parmi eux, 8 seulement avaient reçu une vaccination complète. Le consentement des parents pour une inclusion dans l’étude de famille a été obtenu pour 28 des 93 cas index. Les aspirations nasopharyngées pour PCR et culture pour B. pertussis ont été prélevées parmi 63 personnes de la cellule familiale de ces 28 cas index ; 25 de ces personnes, appartenant à 18 familles, ont été trouvées positives au PCR et/ou à la culture.
Toutes les personnes infectées de l’ entourage, à part deux, étaient plus âgées que le cas index correspondant et seules 6 d’entre elles étaient symptomatiques, avant ou au moment du diagnostic du cas index. Parmi ces personnes, les deux plus jeunes, un frère de 4 mois et une cousine de 6 mois, avaient des symptômes typiques de coqueluche, tandis que les quatre autres n’avaient que des signes modérés et atypiques d’infection. L’état vaccinal et la distribution par âges des membres de l’entourage positifs et négatifs n’étaient pas significativement différents et dans les deux groupes, la plupart avaient reçu une vaccination complète.
Pour 10 familles, une souche de B. pertussis a été isolée aussi bien chez le cas index que chez au moins une personne de la cellule familiale. Par comparaison des différentes souches provenant d’une famille, les isolats semblaient posséder toujours un génotype pm- et ptxS1 identiques, alors qu’on constatait clairement une hétérogénéité des typages PFGE des isolats provenant des diverses familles. Une étude antérieure avait montré qu’en Belgique, les souches de B. pertussis circulant contenaient principalement la pertactine des types 2 et 3 et la toxine pertussique type SIA [6]. Ceci restait le cas pour les isolats de notre étude. Le type PFGE des souches de B. pertussis circulant en Belgique est beaucoup plus diversifié. Une étude antérieure avait permis d’ identifier en Belgique une trentaine de types différents [6]. Il en résulte que le typage moléculaire PFGE est le plus adapté pour faire la différence entre différentes souches de B. pertussis et pour étudier la dissémination de cette bactérie.

Cette étude de famille démontre que la transmission intrafamiliale de B. pertussis est importante et qu’aussi bien des nourrissons en bas âge non vaccinés que des adolescents ou des adultes antérieurement vaccinés sont contaminés. Donc la vaccination protège contre la maladie, mais pas contre l’infection, qui est dans ce cas le plus souvent asymptomatique [10] [11].

Le typage moléculaire par PFGE a clairement montré que toutes les personnes de la cellule familiale ont été infectées par la même souche de B. pertussis. Une différence importante dans la symptomatologie des cas index et des personnes de l’entourage a cependant été constatée. Les cas index jeunes avaient tous les symptômes typiques de coqueluche tandis que les personnes déjà vaccinées étaient pour la plupart asymptomatiques. Nous pouvons en déduire que la morbidité de la coqueluche n’est pas dépendante d’un type déterminé de PFGE, mais bien de l’état vaccinal (et de l’âge) de la personne.
Les nombreuses personnes de l’entourage, infectées mais asymptomatiques, démontrent que l’infection coquelucheuse asymptomatique existe, ce qui confirme du même coup le rôle important de personnes précédemment vaccinées dans la circulation et la transmission du B. pertussis.

La transmission intrafamiliale de B. pertussis est importante. Tant des nourrissons de moins de deux mois non vaccinés que des adolescents ou des adultes antérieurement vaccinés peuvent être contaminés. Dans ce cas, la vaccination protège contre la maladie, mais pas contre l’infection.

Perspectives

Malgré tous les efforts déjà consentis, ce sont toujours les nourrissons en bas âge non vaccinés qui courent le risque le plus important d’une infection sérieuse et potentiellement mortelle après contamination par B. pertussis. La protection de ce groupe d’âge ne pourra sans doute pas être atteinte par la seule vaccination des nourrissons. Naturellement, une première garantie est d’assurer une vaccination efficiente, à commencer dès l’âge de deux mois, en visant une haute couverture vaccinale de la population.
Parallèlement, il faut tenter de prévenir la dissémination secondaire de la coqueluche. Les recommandations actuelles en la matière sont d’instaurer immédiatement une prophylaxie antibiotique auprès du cas index et des personnes de l’entourage familial contaminées. Lorsqu’il n’est pas possible d’identifier rapidement les membres de la famille infectés, il est recommandé de traiter prophylactiquement tous les membres de la famille. La clarithromycine, un macrolide, est le premier choix pour une chimioprophylaxie. Jusqu’à présent, la résistance du B. pertussis à cet antibiotique est inexistante [12].

Cependant, le plus grand défi pour la protection des nourrissons en bas âge non vaccinés consiste en l’élimination du réservoir de B. pertussis permettant la circulation et la contamination, au moyen d’une prévention des infections asymptomatiques chez les individus déjà vaccinés. Afin d’atteindre cet objectif, dans plusieurs pays, parmi lesquels la France, le Canada et l’Allemagne, des doses de rappel sont administrées aux adolescents et aux futurs parents, au moyen d’un vaccin cellulaire [13] [14]. Il n’est cependant pas encore démontré qu’une seule dose de rappel aura un effet suffisant et si des rappels plus tardifs, par exemple tous les 10 ans, ne seront pas nécessaires. Des études supplémentaires sont en cours pour définir la stratégie idéale pour prévenir les réinfections chez les personnes vaccinées.

I. De Schutter, A. Malfroot,
Departement Pediatrie (Eenheid Kinderlongziekten, Infectieziekten en Mucoviscidose)
G. Muyldermans, D. Piérard,
Klinische Microbiologie, AZ-VUB Brussel

Pour la pratique, on retiendra

 La transmission intrafamiliale de B. pertussis est importante. Les infections survenant chez des adultes sont le plus souvent asymptomatiques.
 Les nourrissons doivent être vaccinés dès l’âge de deux mois.
 En présence d’un cas de coqueluche, pour éviter une dissémination secondaire, on recommande d’administrer immédiatement une prophylaxie antibiotique (clarithromycine) au cas index et aux personnes de l’entourage familial.

[1Bass JW, Stephenson SR. The return of
pertussis. Pediatr Infect Dis J 1987 ; 6 : 141-144

[2Ranganathan S, Tasker R, Booy R, Habibi P, Nadel S, Britto J. Pertussis is increasing in unimmunised infants : is a change in policy needed ? Arch Dis Child 1999 ; 80 : 297-299

[3Strebel P, Nordin J, Edwards K, Hunt J, Besser J, Burns S, Amundson G,
Baughman A, Wattigney W. Population-based incidence of pertussis among adolescents and adults, Minnesota, 1995-1996. J Infect Dis 2001 ; 183 : 1353-9

[4Yih WK, Lett SM, des Vignes FN, Garrison KM, Sipe PL, Marchant CD. The increasing incidence of pertussis in Massachusetts adolescents and adults. J Infect Dis 2000 ; 182 : 1409-16

[5Hoppe JE. Neonatal pertussis. Pediatr Infect Dis J 2000 ; 19 : 244-7

[6Hoebrekx N, Muyldermans G, Soetens O, De Schutter I, Malfroot A, Piérard D, Lauwers S. Molecular typing of Bordetella pertussis isolated in Belgium from 1987 to 2000, Abstract book 41st Annual Interscience Conference on Antimicrobial Agents and Chemo-therapy Chicago 2001 : p 279, n° G-1821

[72

[83

[9Brennan M, Strebel P, George H, Yih WK, Tachdjian R, Lett SM, Cassiday P, Sanden G, Wharton M. Evidence for transmission of pertussis in schools, Massachusetts, 1996 : Epidemiologic Data Supported by Pulsed-Field Gel Electrophoresis Studies. J Infect Dis 2000 ; 181 : 210-215

[10Kerr JR, Matthews RC. Bordetella pertussis infection : Pathogenesis,
diagnosis, management, and the role of protective immunity. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2000 ; 19 : 77-88

[11Srugo I, Benilevi D, Madeb R, Shapiro S, Shohat T , Somekh E, Rimmar Y , Gershstein V , Gershstein R, Marva E, Lahat N. Pertussis infection in fully vaccinated children in day-care centers, Israel J Emerg Infect Dis 2000 ; 6 : 526- 529

[12Heininger U. Recent progress in clinical
and basic pertussis research. Eur J Pediatr 2001 ; 160 : 203-13

[13Edwards KM. Is pertussis a fréquent cause of cough in adolescents and
adults ? Should routine pertussis immunization be recommended ? Clin
Infect Dis 2001 ; 32 : 1698-99

[1410


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