Rotavirus
Nouvel avis du CSS
Suite à la décision prise en 2015 par le Haut Conseil de la santé publique en France d’arrêter la vaccination généralisée des nourrissons contre le rotavirus, le Conseil supérieur de la santé (CSS) a revu la littérature scientifique internationale et a émis un avis « Analyse du risque bénéfice de la vaccination contre le rotavirus en Belgique ».
Le vaccin contre le rotavirus est repris depuis plusieurs années dans le calendrier des vaccinations recommandées, par le CSS, aux nourrissons.
Le vaccin est administré, selon le calendrier vaccinal :
- soit en deux doses pour le RotarixTM à 8 et 12 semaines
- soit en 3 doses pour le RotaTeqTM à 8, 12 et 16 semaines.
Vaccination contre le rotavirus et invagination
L’association possible entre une invagination intestinale aiguë et la vaccination contre le rotavirus a été mise en évidence dès 1999, aux Etats-Unis, avec le vaccin alors utilisé (RotashieldTM). Ce vaccin n’a jamais été utilisé en Europe et, sur base d’un excès de risque estimé à 10 invaginations sur 100.000 doses de vaccin, a été retiré du marché aux Etats-Unis.
Tenant compte de ce précédent, les études cliniques des vaccins actuellement sur le marché (RotaTeqTM et RotarixTM) ont inclus un nombre très important de nourrissons (plus de 60.000 par essai), afin de mieux évaluer le risque potentiel d’invagination. Ces études n’ont montré aucune augmentation du risque dans les 30 à 42 jours suivant les deux doses de RotarixTM ou les trois doses de RotaTeqTM. Sur cette base, la vaccination a été recommandée par l’OMS, moyennant une surveillance de l’incidence des invaginations après vaccination. Il était en effet possible que les études cliniques n’aient pas eu la puissance statistique suffisante pour détecter les effets indésirables survenant à une fréquence inférieure à 1/60.000.
Suivi après mise sur le marché
De nombreuses études ont été réalisées dans des pays à hauts et moyens revenus.
Une étude au Mexique a montré un faible risque additionnel d’invagination après la première dose de RotarixTM (1/51.000 enfants vaccinés) ; le risque est plus faible après la 2è dose.
Au Brésil, seul un très faible risque (1 sur 68.000 enfants vaccinés) après la 2è dose de RotarixTM a été établi. La différence de constatation entre les deux pays pourrait être liée au fait qu’au Brésil, la 1è dose de RotarixTM est donnée simultanément avec le vaccin polio oral, connu pour diminuer la réplication virale du vaccin contre le rotavirus.
Des données australiennes concernent tant le RotarixTM que le RotaTeqTM. L’administration des deux vaccins est associée à un risque accru d’invagination dans les 3 semaines après la 1è dose (multiplié au cours de la semaine suivant l’administration par 6,8 pour le RotarixTM et par 9,9 pour le Rota TeqTM) et, à un niveau moindre, durant la première semaine après la 2è dose.
Aux Etats-Unis, les deux dernières études indépendantes réalisées confirment l’existence d’un risque faible d’invagination. L’étude PRISM basée sur la surveillance des données hospitalières, des données d’urgence et ambulatoires de trois groupes d’assurances estime ce risque excédentaire à environ 1,5 cas pour 100.000 enfants vaccinés (8 cas pour ± 500.000 vaccinés) après la 1è dose de RotaTeqTM ; aucun risque additionnel n’a été relevé après les 2è et 3è doses.
L’étude VSD, menée par le CDC sur base du suivi d’une cohorte d’enfants n’a pas montré d’augmentation du risque d’invagination dans les 7 jours après la 1è dose de RotaTeqTM (4 cas sur 493.000 vaccinés) ; par contre, elle a montré une augmentation significative du risque (5,3 par 100.000 nourrissons vaccinés) dans les 7 jours suivant l’administration de la 1è et de la 2è dose de RotarixTM (6 cas sur ± 200.000 doses administrées).
Une autre étude estime le rapport bénéfice/risque pour un décès à 71 pour 1 et pour une hospitalisation à 1093 pour 1, soit un bilan clairement en faveur de la vaccination.
Une étude à Singapour relève que le risque d’invagination augmente d’environ 8 fois durant les 7 jours suivant l’administration de la 1è dose de RotarixTM (1 cas excédentaire par 65.000 enfants vaccinés).
En Angleterre, une étude montre que chaque hospitalisation pour invagination potentiellement liée à la vaccination contre le rotavirus épargne 375 hospitalisations pour gastroentérite sévère à rotavirus et que chaque décès potentiellement lié à la vaccination est contrebalancé par une baisse de 88 décès dus à une gastroentérite sévère par rotavirus.
Enfin, des données belges montre un taux d’hospitalisation lié au rotavirus de 46/100.000/an durant l’époque précédant la vaccination et de 12,3/100.000/ an en période post-vaccination. Le taux de décès passe de 0,7/100.000 (période 1987 à 2005) à 0,2/100.000 (période de 2008 à 2010).
Situation française
Le Comité Technique de Pharmacovigilance français estime, pour la période allant de 2006 à octobre 2014, la notification des invaginations dans les 7 jours suivant la vaccination, à 6 cas supplémentaires pour 100.000 nourrissons vaccinés. Il relève aussi une sévérité supérieure de ces cas d’invaginations post-vaccinales, en comparaison des cas spontanés : le taux de complications létales ou mettant en jeu le pronostic vital atteint 8,5% (4 cas sur 47). Le Comité s’interroge dès lors « sur le bien-fondé de recommander la généralisation de cette vaccination en France ». Cette interpellation a amené le Haut Conseil de la santé publique à proposer l’arrêt de la vaccination généralisée en France.
Discussion
Les données évoquées plus haut et issues du suivi dans de nombreux pays montrent toutes un risque réel d’invagination suite à la vaccination par RotaTeqTM ou RotarixTM.
Ce risque est cependant très faible : de l’ordre de 1 à 5 par 100.000 nourrissons vaccinés. Seules les données françaises situent ce risque à un niveau un peu plus élevé.
Le CSS conclut qu’ « étant donné ce très faible risque et l’impact positif majeur que ces deux vaccins ont sur la réduction des hospitalisations, des visites aux Urgences et dans certaines circonstances, des décès associés aux infections au rotavirus chez des enfants non vaccinés, il demeure toujours d’actualité que les bénéfices de la vaccination contre le rotavirus dépassent de loin les risques liés aux invaginations ».
Le CSS relève aussi que des données belges non publiées sont rassurantes quant à la gestion des cas d’invagination par notre système médical, qu’il s’agisse de cas spontanés (non induits par une vaccination) ou induits par les vaccins.
Par ailleurs, ces cas d’invagination reconnus rapidement peuvent être traités adéquatement.
Référence :
Analyse du risque bénéfice de la vaccination contre le rotavirus en Belgique. Avis n° 9295 et 8863 du CSS. 2015.
http://www.health.belgium.be/internet2Prd/groups/public/@public/@shc/documents/ie2divers/19103887_fr.pdf
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